Exposition d’orchestre (1994) pour huit instruments, chorégraphie et arts visuels (durée : 20 min.).
Pour Exposition d’orchestre, Honey & Milk a mené sa réflexion sur les aspects conventionnels de la production musicale dont l’orchestre est emblématique. Ainsi, par exemple, la musique de chambre est régie par un ensemble de règles qui déterminent non seulement la pratique musicale mais aussi des détails vestimentaires et de mise en scène.
Nous avons retenu pour cette pièce le titre Exposition d’orchestre pour accentuer notre volonté de montrer, par l’image comme par le son, cette part de la vie musicale que représente l’orchestre.
Du point de vue visuel, l’orchestre est montré de deux manières complémentaire.
Nous avons tout d’abord voulu le faire voir comme un objet chorégraphique, d’une part grâce à l’amplification des mouvements dont il est habituellement le théâtre et, d’autre part, grâce à l’introduction de mouvements qui lui sont étrangers et qui attirent notre attention sur la présence chorégraphique des musiciens.
Puis nous avons voulu lui donner aussi une dimension picturale en intégrant à son espace des figures grandeur nature peintes sur des rideaux. L’orchestre réel est ainsi confronté à un orchestre fictif de personnages tirés de tableaux célèbres et symboliques à ce titre.
Musicalement, Exposition d’orchestre comporte trois parties.
La première partie a pour rôle d’accueillir le public, de l’amadouer et pourquoi pas le séduire en lui présentant un orchestre objet de son désir. Cette introduction est empreinte de la naïve bonne volonté de répondre à l’attente du public. Mais cette bonne volonté est présentée avec ironie, ne serait-ce que par la prédominance de formules typiques de la musique orchestrale comme les formules cadentielles empruntées au style classico-romantique ou les formules à suspense dérivées d’un style romantico-contemporain très fréquent dans les musiques de film.
La deuxième partie représente l’accord de l’orchestre mis en partition et dirigé par le chef. Ironie sur la fonction du chef et sur le protocole orchestral puisqu’habituellement l’entrée du chef se fait après l’accord et puisqu’en général on s’accorde avant de jouer et non après. Ironie aussi à propos de la perception souvent caricaturale qu’ont certaines personnes de la musique contemporaine qu’elles assimileraient à « jouer n’importe quoi comme un orchestre qui s’accorde ». Evidemment l’accord de l’orchestre est traduit de manière très stylisée, mais on y reconnait les octaves des accordeurs de piano, les quintes des cordes, le la du hautbois, les traits volubiles de la flûte…
La troisième partie est le corps de la pièce.
Cette partie a une colonne vertébrale, un fil conducteur constitué d’une pièce pour piano solo enfouie sous l’orchestre et sous une masse de citations du répertoire redondant du concert classique. Parfois on arrive à saisir une bribe, une envolée du piano…
Critique de la saturation créée par la répétition inlassable des mêmes pièces (par le concert ou par le disque) au détriment de la création, critique de la commercialisation extrême de ces pièces au point d’en faire des objets musicaux à consommation rapide.