Blackbird recording (1994) pour flûte à bec et live électronique (durée : 12,5 min.).

Deux motifs m’ont poussé à écrire cette pièce :
Tout d’abord le désir de travailler avec un certain dispositif électroacoustique interactif qui avait fait surgir en moi sa description poétique : You call a bird and it sings.
Ensuite, le fait qu’une des étymologies probables du nom anglais de la flûte à bec, the recorder, réside dans une acception du terme record,lequel désigne une des phases finales de l’apprentissage de son chant par un oiseau.
Le choix du merle s’est imposé dans la mesure où cet oiseau réapprend son chant chaque année à partir de petits fragments de chant qui lui sont, eux, innés. Alors que bien d’autres espèces apprennent leur chant une fois pour toutes au début de leur existence, le merle, lui, n’apprend que les fragments de chant qui lui permettront par la suite chaque printemps d’en composer un nouveau…
J’avais envie d’apprendre ce chant.

J’ai analysé une séquence de chant d’un merle noir, je l’ai disséquée afin de pouvoir la reproduire fragment par fragment deux octaves plus bas sur une flûte à bec alto, j’ai enregistré ces fragments et les ai retransposés deux octaves plus haut avant de les stocker dans un échantillonneur.
L’utilisation d’un micro et d’un lecteur de fréquences qui permettent tout en jouant d’envoyer des informations midi dans un système électroacoustique, ainsi que l’utilisation d’un programme informatique capable de gérer de manière non univoque cette information midi avant de la transférer vers l’échantillonneur m’ont donné la possibilité de déclencher par mon jeu les sons stockés dans l’échantillonneur et de générer ainsi un dialogue…avec moi-même. Blackbird recording cherche ainsi à recréer le phénomène d’apprentissage de son chant par le merle noir. Recordingprend alors, dans le titre de la pièce, un double sens : d’une part il désigne le processus d’apprentissage de l’oiseau, d’autre part mon effort d’enregistrement de ce processus au moyen d’une flûte à bec et d’un échantillonneur qui sont, tous les deux, un recorder.

On reconnaîtra dans Blackbird recording plusieurs citations et motifs réminiscents du Merle Noir d’Olivier Messiæn. Ce recording de l’œuvre musicale d’un musicien connu fait écho au recording du merle réel. Le dialogue du flûtiste avec lui-même se double d’un dialogue entre musique savante et musique… naturelle?

Blackbird recording fait d’autre part partie d’une entité plus large qui a pour titre ConférenceConférence a la forme d’un exposé mais est destinée au concert. Conférence est composée d’éléments de langage qui ressortissent les uns au domaine verbal et les autres au domaine musical et dont je veux considérer la signification à niveau d’égalité. Conférence a pour fil conducteur le terme record (voir plus bas).

(voir aussi le texte d’accompagnement de la partition)