Small records (1994) pour flûte à bec sopranino.

Le jardin de La Vierge, Bruxelles, ancien Ets Old England, automne 1993. Je croise des croquis au crayon gris de Marcel Duchamp. Ils représentent des œuvres d’artistes connus. Je passe… Ce n’est que plus tard, dans le train déjà, que je réalise l’intérêt qu’ont éveillé en moi ces dessins. Je me souviens alors de Rodin -je pense au penseur-, il me semble aussi me souvenir d’Egon Schiele, de Matisse ou de Degas -une danseuse?-… Pas de certitude et une certaine difficulté à mettre la main sur des informations concernant ces croquis. J’écris néanmoins Small records -en 1994-, faisant référence à Duchamp, parce que, quoi qu’il en soit, il est à l’origine de la réflexion que propose cette pièce et que ça lui va bien.
Ce n’est qu’en 1998, consultant le catalogue raisonné de l’œuvre de Duchamp –The Complete Works, d’Arturo Schwarz-, que je trouve des informations complètes à propos de ces croquis.
Il s’agissait de Morceaux choisis d’après Cranach, Rodin, Ingres et Courbet.

Avec Small records, j’ai voulu que ma flûte à bec soit comme le crayon de Duchamp. Et j’ai « croqué » une pièce de Wagner, une de Sydney Bechet, et – parce qu’il faut bien à un moment donné s’écarter des règles de la symétrie et remettre en question la notion d’œuvre célèbre – la musique d’une partie de jeu Nintendo.

Si les dessins de Duchamp m’avaient frappé à ce point, c’est qu’ils renonçaient si clairement à proposer une illusion de réalité. Ce n’était que des croquis, mais le fait qu’ils représentent des œuvres connues d’artistes connus suffit à réveiller notre mémoire qui fait alors elle-même le travail de restitution du réel…

Aujourd’hui, nous sommes submergés d’informations qui jouent avec l’illusion de réalité.
Une communication interactive qui offre au récepteur la possibilité d’une participation en exploitant sa capacité de recréation par l’imaginaire d’une réalité supposée est nécessaire.
L’illusion de réalité ouvre la porte à tous les totalitarismes et conduit à un tarissement des sources créatrices.

Small records propose une alternative à l’illusion de réalité de l’enregistrement.
Une flûte à bec suffit pour restituer l’idée musicale d’une pièce.

(voir aussi le texte d’accompagnement de la partition)